Quel travail pour une transition sociale et...

vendredi 18 septembre 2015
par  JA

Quel travail pour une transition sociale et écologique ?

1 - Remettre au centre de nos luttes et réflexions la réduction du temps de travail.

D’un point de vue écosocialiste on ne peut pas poser la question de l’emploi sans poser la question du contenu de l’emploi donc du travail lui même. Mais la question de l’emploi est la première préoccupation. Le chômage (de masse) et la précarité dégradent durablement le rapport de force, placent les salariéEs sur la défensive et rend plus difficile toute réflexion sur le contenu de l’emploi.

Réduire massivement le temps de travail pour travailler toutes et tous

Abolition du chômage : échelle mobile des heures de travail = adapter en permanence le temps de travail à la productivité et à la production décidée
Réduction du temps de travail avec embauche sans intensification du travail, sans perte de salaire : ne pas se cacher qu’il s’agit aussi d’une augmentation des salaires => haut rapport de force. Mais ça en vaut la peine !

Une condition incontournable dans la reconstruction du rapport de force (chômage de masse comme arme des capitalistes) pour permettre de poser les autres questions qui sont essentielles
moins

Ne pas perdre la vie (et la santé) en essayant de la gagner. Coût du travail pour les salariéEs : usure, souffrance, maladies professionnelles, accidents du travail.
Même si ce n’est pas qu’une question de temps passé au travail ou même d’intensité du travail

Travailler, produire et vivre autrement

Réduire massivement le temps de travail sans renoncer à changer et le travail et la production.

2 - Travail : de quoi parle-t-on ?
Car il y a toujours une ambiguïté quand on parle du « travail »
S’agit-il du travail au sens large ou du travail salarié donc historiquement déterminé par le mode de production capitaliste.

Ce travail au sens large c’est d’abord l’échange, donc le métabolisme entre organismes vivants, y compris l’espèce humaine, et ses conditions naturelles de reproduction.

Avec cette acception, le travail est un élément constitutif de l’humanité. Il est un convertisseur d’énergie et l’idée d’une société sans travail est absurde. Ce serait une société sans échanges, sans transformation d’énergie naturelle en énergie cérébrale, musculaire, etc.

Le travail salarié capitaliste, par contre, c’est autre chose.

C’est d’abord une forme historiquement déterminée de travail qui n’a pas toujours existé.

C’est un travail contraint, aliéné qui produit des marchandises, des valeurs d’échange.

Le mode d’existence quantitatif du travail est le temps de travail uniforme et indifférencié, « simple, pour ainsi dire dénué de toute qualité », dit Marx.

Dans le mouvement ouvrier, dans le mouvement social il existe des visions contrastées, contradictoire même : entre le travail forcément libérateur et des courants qui en appellent à la fin du travail et exhortent à « ne travailler plus jamais ».

Les unes et les autres sont des visions unilatérales : l’une ne voit que la dimension créatrice et de socialisation alors que celles ci sont terriblement mises à mal et donc s’en tiennent à l ’apologie du « travail libérateur et créateur de toute richesse » ; l’autre ne voit que l’aliénation et ne peut pas comprendre par exemple les souffrances de l’exclusion et du chômage.

En réalité, les 2 dimensions, anthropologiques et historiques, sont inextricablement combinées. Même si l’aliénation domine de loin le travail salarié, il demeure en même temps un procès de socialisation.

Daniel Bensaïd :Derrière le travail contraint persiste donc, si faiblement, si sourdement que ce soit, ce « besoin du possible » qui différencie l’activité humaine de la plénitude simplement végétative. Il est le signe même de sa finitude et de sa capacité à « aller plus loin », pour le meilleur ou pour le pire.

3- Ce qui fait souffrir au travail.
Yves Clot répond que les risques pour la santé augmentent à partir du moment où
on ne peut plus « prendre son travail à cœur » 
on n’en tire plus aucune fierté
il n’est plus « défendable » 
il n’est plus du travail « bien fait »

3 dimensions intéressantes :
il y a une activité rentrée, empêchée qui génère une fatigue de tous les efforts impuissants qui ne vont pas au bout ; de ce travail ni fait ni à faire ; de ce qu’on voudrait faire mais qu’on ne peut pas faire... (une part du travail créateur qui ne veut pas mourir et qui fait souffrir) le travail bien fait « ça se discute » ; il y a des conflits de critères sur la qualité du travail (parce que ce n’est pas simple, parce que « ça dépend », parce que c’est du réel.

Pour Christophe Dejours : le travail est le lieu où s’expérimente la démocratie :
soit la coopération la délibération, la confrontation des points de vue au sein du collectif de travail soit l’exaltation de la performance individuelle et le trahison des autres et de soi-même.

- Le besoin de collectif
Ce n’est pas une vision lisse du collectif on tout le monde est beau et gentil, ce n’est pas une « collection » où on parle de tout sauf du travail...

C’est un collectif si et seulement si je peux dire à mon collègue (et s’il peut me dire) « ça c’est pas du boulot » (interroge sur comment fonctionnent beaucoup de nos cadres dits collectifs militants politiques, syndicaux, associatifs !!!)

4 - travail : tout discuter pour tout changer ! (à moins que ce ne soit l’inverse )
- la propriété
Le cadre du travail salarié est surdéterminé par le rapport de subordination au propriétaire du capital
subordination à ses objectifs de rentabilité
subordination à l’organisation du travail qu’il décide et qu’il impose.

Du fait de ce lien de subordination, même s’il est tempéré par le code du travail, l’entreprise capitaliste reste un lieu de non démocratie absolue. Ce qui réduit drastiquement les possibilités de débat, de confrontation sur les critères du travail en tout cas en réduit singulièrement le champ. Donc évidemment la question de la propriété est centrale sinon parler de démocratie dans l’entreprise est une vaste plaisanterie. Mais elle ne résout pas tout (en tout cas elle ne peut pas être la propriété étatique avec le plan qui tombe d’en haut)

L’expropriation des capitalistes ne veut pas dire qu’il n’y a plus de conflit, de choix, de contradiction / comment on produit et /ce qu’on produit. Au contraire c’est la précondition pour étendre les champs de la délibération et du conflit.

C’est une invitation à ne pas s’auto-limiter sur ce qui se discute, se met en question et ce n’est pas que la forme de la propriété.

- Sortir du productivisme
Il faut impérativement revenir sur les dégâts idéologiques et politiques commis dans le mouvement ouvrier par le productivisme et le culte du travail.

« Rien ne fut plus corrupteur pour le mouvement ouvrier allemand que la conviction de nager dans le sens du courant. Il tint le développement technique pour le sens du courant. De là, il n’y avait plus qu’un pas à franchir pour s’imaginer que le travail industriel représentait une performance politique. Avec les ouvriers allemands, sous une forme sécularisée, la vieille éthique protestante de l’ouvrage célébrait sa résurrection […].Cette conception du travail ne s’attarde guère à la question de savoir comment les produits de ce travail servent aux travailleurs eux-mêmes aussi longtemps qu’ils ne peuvent en disposer(...). Il ne peut envisager que le progrès de la maîtrise sur la nature, non les régressions de la société. » Walter Benjamin (Thèse 11 sur le concept d’histoire)

Critiquer le « progrès destructif » du capitalisme contre une neutralité des forces productives.

Et comme antidote à la mythification du travail reprendre les choses à la racines et se souvenir que : le travail n’est pas la source de toute richesse la nature est tout autant source des valeurs d’usage que le travail, qui n’est lui-même que l’expression d’une force naturelle , la force de travail de l’homme. le travail est leur père et la Terre leur mère !

- Quel temps libre ?

L’objectif n’étant pas l’accroissement de « l’avoir » mais la réduction de la journée de travail et l’accroissement du temps libre « l’être ».

Mais il y a une relation étroite entre travail aliéné et plaisir aliéné, on ne peut pas être réellement libre en dehors du travail si on est dominé au travail. D’autant que repos et loisirs sont largement marchandisés (parc de loisirs !!!) Il ne suffit donc pas de réduire le temps de travail forcé, il faut aussi construire une émancipation au travail et en dehors du travail.

5 - Travail domestique
On ne peut pas parler du travail en oubliant la masse énorme de travail, certes invisible et gratuit car réalisé en dehors du marché, que constitue le travail domestique.

Dans son périmètre restreint -cuisine, vaisselle, ménage, rangement, soins matériels aux enfants et personnes dépendantes, linge, gestion du ménage, conduire ou accompagner les enfants ou une autre personne- le travail domestique représente en France (chiffres de 2010), 42 milliards d’heures de travail. Rapporté aux 38 milliards d’heures de travail rémunéré réalisées sur la même période, le temps de travail domestique est donc au minimum égal au temps de travail rémunéré. Il repose à 72 % sur les femmes. Par exemple, une femme vivant en couple et mère d’un ou plusieurs enfants de moins de 25 ans, réalise en moyenne 28 heures par semaine de tâches domestiques.

Production de valeur d’usage qui échappe au marché, mais contribue à la reproduction de la force de travail.

S’il n’a pas de valeur d’échange donc pas la capacité d’accroître directement le surproduit social qui est l’enjeu de la lutte des classes, il contribue cependant à déterminer indirectement le travail socialement nécessaire à la reproduction de la puissance de travail.

Avec la dissociation travail / habitat on a la dissociation production / reproduction.
relègue l’entretien et la réparation de la force de travail dans la sphère privée, au titre de production non marchande de valeurs d’usage, dont la femme est censée être l’agent « naturel ». Cette fracture approfondit la division sexuelle du travail préexistante et la fixe.

Non productrice de plus-value et dévolue aux femmes cette activité non salariée se trouve socialement dévaluée et dépréciée. Mais pas plus que la protection de la biodiversité ne passe par le fait de donner un prix à la nature, la prise en compte du travail domestique, du travail lié à la reproduction, ne passe par le salaire maternel.
Production directe de valeurs d’usages, forcé et mutilé, le travail domestique n’est pas un travail libre, mais l’envers contraint du travail salarié. Ses gestes mêmes n’échappent pas à l’aliénation de tout travail dominé et exploité. Cette soumission réelle du rapport domestique au rapport marchand touche à la racine de l’oppression des femmes .

Cette dévalorisation concerne toutes les tâches majoritairement accomplies par les femmes, y compris dans le travail salarié, souvent sous-payé, précarisé et dans lesquels les migrantes sont surreprésentées. Pourtant comme l’écrit Yayo Herrero : « Si nous tentions de classifier les travaux selon leur apport à la qualité de vie, l’ordre de la valeur sociale serait diamétralement opposé. En premier lieu, viendraient l’éducation, la production agro-écologique d’aliments, les travaux relatifs à la santé et à l’hygiène. Au dernier rang, arriveraient sûrement ceux effectués par les dirigeants des bourses financières, les fabricants d’armes et de structures inutiles. Nous pourrions différencier les travaux liés à la production de la vie et les travaux qui en provoquent la destruction. »

On doit donc articuler réduction massive du temps de travail, création d’emplois dans des services publics, gratuits, autogérés... pour la santé, la petite enfance, les personnes dépendantes... et remise en cause radicale du partage des tâches pour à la fois assurer plus de production de valeur d’échange, plus de travail vivant... (exemple de l’alimentation) et développer des individus autonomes, capables de prendre soin d’eux-mêmes, solidaires capable de prendre soin des autres et de la nature.


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